1940, la France vit une « drôle de guerre ». C’est
l’attentisme déclaré face à l’Allemagne depuis septembre 1939. La guerre
d’Espagne se termine alors avec la victoire des nationalistes de Franco. Elle
entraine la « retirada » en
France de réfugiés républicains. Le Maine et Loire, déclaré « département d’hébergement de première
urgence », en reçoit plus de 1300. Mais « contre l’afflux des indésirables des mesures rigoureuses s’imposent »
demande la croix angevine. Le journal du diocèse reflète vigoureusement une
opinion angevine majoritaire.
« Religion, famille, travail, propriété », la devise du journal
de Maine et Loire correspond assez bien à la mentalité dominante (1). Et lorsque la
guerre civile éclate en Espagne le 18 Juillet 1936, l’opinion penche plutôt
pour
les putschistes conduits par Franco, ce catholique anticommuniste, garant
de l’ordre social contre le gouvernement républicain de Front populaire. Ces
« extrémistes de gauche »
juge l’Ouest, quotidien qui se dit
radical.
En toile de fond, en effet, se
manifeste une inquiétude : Est ce qui se passe en Espagne ne pourrait pas
se produire dans la France du Front populaire en place depuis juin 36 ?
Toutefois le petit courrier, de
loin le principal quotidien, clairement à droite, tempère : « les Français ne sauraient en venir aux actes
de sauvagerie qu’on déplore(…) chez les peuples les moins évolués ».
« Ne pas s’en mêler » (Le petit Courrier)
Donc, au départ, un mot d’ordre, « ne pas s’en mêler ». Et en
Maine et Loire on applaudit particulièrement le principe de la « non-intervention » arrêté par les
grandes puissances à l’été 36 ; en réalité une force pour l’Italie
fasciste et l’Allemagne nazie qui aident massivement les franquistes en hommes
et matériels.
Avec le sanglant souvenir de 14-18,
il n’est pas question pour la grande majorité de l’opinion de fournir de
nouveau de « la chair à canon »
qui plus est au bénéfice de l’étranger, et d’un étranger
« communiste ». Même à gauche le syndicat des instituteurs de Maine
et Loire s’avère pacifiste sans condition évoquant « la primauté du droit à la vie sur tout autre droit ».
Sauf le radical Perrein, tous les
élus de Maine et Loire s’élèvent benoitement « contre la dictature, d’où qu’elle vienne », ou, plus
clairement, contre « le régime des
soviets ». Significativement, Blanchouin, député du segréen (3) écrit dans l’éveil
républicain de Segré : « Franco
ne serait-il pas avant tout l’homme de Hitler et de Mussolini ? »,
pour ajouter par ailleurs, « il
n’est pas interdit d’exprimer pour Franco et ses idées une certaine sympathie »
Il n’est guère que le Travail, organe de la CGT réunifiée
depuis 1935 et le P.C.F. pour prendre sans condition fait et cause pour le
Front populaire espagnol. Et quelques rares militants communistes et
libertaires de Trélazé et d’Angers s’engagent dans les brigades
internationales.
Avec la prolongation du conflit, le
recul militaire des républicains, la presse angevine se fait plus militante au
bénéfice de la « croisade »
franquiste. Début 1938, elle réclame, à la suite du Vatican, la reconnaissance
officielle du gouvernement insurrectionnel de Franco.
C’est fait après la fin du
gouvernement du Front populaire en France, au printemps 1938, abandonné par les
radicaux. C’est l’époque des « grands
manœuvres » de l’impérialisme hitlérien et de son second italien
devant lequel Londres et Paris capitulent (Munich septembre 38). Le
gouvernement Daladier enterre l’Espagne républicaine en mauvaise posture. En
guise d’heureux avènement, l’ambassadeur de France, Pétain, « ce glorieux soldat (…) messager de la
paix » (l’ouest) remet au nouveau régime en février 1939 un stock d’or
mis en dépôt par la République Espagnol à la banque de France de Cholet.
Les « Indésirables » (La croix angevine)
La fin de la guerre en Espagne, à
partir du 1er avril 1939, s’opère dans l’indifférence, les esprits
se préoccupent alors de l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne
(mars39) puis l’Albanie par l’Italie (avril 39).
Toutefois, en Maine et Loire, la
presse se saisit avec hostilité du problème des réfugiés espagnols répartis
entre Segré – Nyoiseau, Angers, Trélazé, Champigny et Chemillé. Le maire de St
Florent le Vieil va jusqu’à préconiser « le parquement des réfugiés dans des camps afin de sauvegarder l’hygiène
de la population française ».
Cinq députés sur sept (Perrein et
Blanchouin) ont d’ailleurs refusé de voter les crédits d’assistance aux
réfugiés. Et seule Trélazé décide de conserver ceux-ci à sa charge.
Au total la solidarité est l’apanage
d’Angevins de gauche (avec le Secours populaire), et la charité de quelques
catholiques de la Conférence de St Vincent de Paul.
Pendant plus de trois ans, une
large majorité de l’opinion a balancé entre la distance méprisante vis à vis de
l’Espagne « Où parlementaire et
tauromachie sont peut-être, en définitive, deux manifestations publiques dont
l’une exclut l’autre » (l’Ouest) et l’adhésion à la croisade contre le bolchevisme.
J.P. Brachet
Source : l’opinion publique du
Maine et Loire face à la guerre d’Espagne
Mémoire de maîtrise d’histoire de
Frédéric Fremy (1991)
(1) En juin 36, 60% des voix du
Maine et Loire se sont portés à droite. Un seul élu à gauche, le radical E.
Perrein, d’Angers.
(2)
F.P. espagnol baptisé « Frente crapular » par De Castelnau,
président de l’Action catholique.
(3)
Il devient le patron du Courrier de l’Ouest après la libération
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