vendredi 12 juillet 2013

Les Angevins et la guerre d’Espagne (1936 – 1940)

1940, la France vit une « drôle de guerre ». C’est l’attentisme déclaré face à l’Allemagne depuis septembre 1939. La guerre d’Espagne se termine alors avec la victoire des nationalistes de Franco. Elle entraine la « retirada » en France de réfugiés républicains. Le Maine et Loire, déclaré « département d’hébergement de première urgence », en reçoit plus de 1300. Mais « contre l’afflux des indésirables des mesures rigoureuses s’imposent » demande la croix angevine. Le journal du diocèse reflète vigoureusement une opinion angevine majoritaire.

« Religion, famille, travail, propriété », la devise du journal de Maine et Loire correspond assez bien à la mentalité dominante (1). Et lorsque la guerre civile éclate en Espagne le 18 Juillet 1936, l’opinion penche plutôt pour
les putschistes conduits par Franco, ce catholique anticommuniste, garant de l’ordre social contre le gouvernement républicain de Front populaire. Ces « extrémistes de gauche » juge l’Ouest, quotidien qui se dit radical.
En toile de fond, en effet, se manifeste une inquiétude : Est ce qui se passe en Espagne ne pourrait pas se produire dans la France du Front populaire en place depuis juin 36 ?
Toutefois le petit courrier, de loin le principal quotidien, clairement à droite, tempère : « les Français ne sauraient en venir aux actes de sauvagerie qu’on déplore(…) chez les peuples les moins évolués ».

« Ne pas s’en mêler »  (Le petit Courrier)
Donc, au départ, un mot d’ordre, « ne pas s’en mêler ». Et en Maine et Loire on applaudit particulièrement le principe de la « non-intervention » arrêté par les grandes puissances à l’été 36 ; en réalité une force pour l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie qui aident massivement les franquistes en hommes et matériels.
Avec le sanglant souvenir de 14-18, il n’est pas question pour la grande majorité de l’opinion de fournir de nouveau de « la chair à canon » qui plus est au bénéfice de l’étranger, et d’un étranger « communiste ». Même à gauche le syndicat des instituteurs de Maine et Loire s’avère pacifiste sans condition évoquant « la primauté du droit à la vie sur tout autre droit ».
Sauf le radical Perrein, tous les élus de Maine et Loire s’élèvent benoitement « contre la dictature, d’où qu’elle vienne », ou, plus clairement, contre « le régime des soviets ». Significativement, Blanchouin, député du segréen (3) écrit dans l’éveil républicain de Segré : « Franco ne serait-il pas avant tout l’homme de Hitler et de Mussolini ? », pour ajouter par ailleurs, « il n’est pas interdit d’exprimer pour Franco et ses idées une certaine sympathie »
Il n’est guère que le Travail, organe de la CGT réunifiée depuis 1935 et le P.C.F. pour prendre sans condition fait et cause pour le Front populaire espagnol. Et quelques rares militants communistes et libertaires de Trélazé et d’Angers s’engagent dans les brigades internationales.
Avec la prolongation du conflit, le recul militaire des républicains, la presse angevine se fait plus militante au bénéfice de la « croisade » franquiste. Début 1938, elle réclame, à la suite du Vatican, la reconnaissance officielle du gouvernement insurrectionnel de Franco.
C’est fait après la fin du gouvernement du Front populaire en France, au printemps 1938, abandonné par les radicaux. C’est l’époque des « grands manœuvres » de l’impérialisme hitlérien et de son second italien devant lequel Londres et Paris capitulent (Munich septembre 38). Le gouvernement Daladier enterre l’Espagne républicaine en mauvaise posture. En guise d’heureux avènement, l’ambassadeur de France, Pétain, « ce glorieux soldat (…) messager de la paix » (l’ouest) remet au nouveau régime en février 1939 un stock d’or mis en dépôt par la République Espagnol à la banque de France de Cholet.

Les « Indésirables » (La croix angevine)
La fin de la guerre en Espagne, à partir du 1er avril 1939, s’opère dans l’indifférence, les esprits se préoccupent alors de l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne (mars39) puis l’Albanie par l’Italie (avril 39).
Toutefois, en Maine et Loire, la presse se saisit avec hostilité du problème des réfugiés espagnols répartis entre Segré – Nyoiseau, Angers, Trélazé, Champigny et Chemillé. Le maire de St Florent le Vieil va jusqu’à préconiser « le parquement des réfugiés dans des camps afin de sauvegarder l’hygiène de la population française ».
Cinq députés sur sept (Perrein et Blanchouin) ont d’ailleurs refusé de voter les crédits d’assistance aux réfugiés. Et seule Trélazé décide de conserver ceux-ci à sa charge.
Au total la solidarité est l’apanage d’Angevins de gauche (avec le Secours populaire), et la charité de quelques catholiques de la Conférence de St Vincent de Paul.
Pendant plus de trois ans, une large majorité de l’opinion a balancé entre la distance méprisante vis à vis de l’Espagne « Où parlementaire et tauromachie sont peut-être, en définitive, deux manifestations publiques dont l’une exclut l’autre » (l’Ouest) et l’adhésion à la croisade  contre le bolchevisme.

J.P. Brachet

Source : l’opinion publique du Maine et Loire face à la guerre d’Espagne
Mémoire de maîtrise d’histoire de Frédéric Fremy  (1991)



(1)     En juin 36, 60% des voix du Maine et Loire se sont portés à droite. Un seul élu à gauche, le radical E. Perrein, d’Angers.
(2)     F.P. espagnol baptisé « Frente crapular » par De Castelnau, président de l’Action catholique.
(3)     Il devient le patron du Courrier de l’Ouest après la libération

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