lundi 3 décembre 2012

1848 : la première élection présidentielle

Le 10 décembre 1948, à la suite «d'un immense quiproquo» (Victor Hugo), Louis Napoléon Bonaparte était élu président de la IIème République, en recueillant les 3/4 des suffrages exprimés, avec 73,6% des voix en Maine et Loire.
«C'est un crétin que l'on mènera» avait pronostiqué Adolphe Thiers, en mettant à son service le parti de l'Ordre (ordre social bien entendu) seule formation politique réellement structurée à l'époque.
Le journal angevin, le Démocrate de l'Ouest ne s'était pas trompé lui : la France vient de se donner un maître écrivait-il. Et en effet, deux ans plus tard ce «dindon qui se croyait un aigle» mettait
fin à la deuxième République par le coup d'état du 2 décembre 1951.
le quiproquo républicain
La République proclamée à l'issue de la Révolution du 22 et 23 février 1948 mêle des «républicains de la veille» et une majorité de «républicains du lendemain», des «voltairiens» que représente le Journal de Maine et Loire, le plus lu dans le département. (De Falloux est de ceux-ci). Ces derniers sont majoritaires dans l'Assemblée Constituante élue en avril pour la première fois au suffrage universel masculin.
Dans une société française au 3/4 rurale, l'influence des propriétaires fonciers et du clergé demeure prépondérante, surtout dans l'Ouest. «L'ordre règne sans contexte dans l'Ouest» note l'Union de l'Ouest, journal clérical et légitimiste. Le gouvernement peut donner un coup d'arrêt décisif aux revendications sociales. La fermeture des ateliers nationaux mis en place à l'initiative de la gauche au bénéfice des chômeurs provoque en juin, une insurrection suivie d'une répression sanglante à laquelle participent des gardes nationaux envoyés d'Angers, de Saumur et de Montreuil Bellay, envoyés à Paris pour «défendre la République». Ces journées de juin sonnent le glas de tout espoir de République démocratique et sociale.
«Des amis de l'Ordre» à la manœuvre
Le 4 novembre 1846, ils font adopter par l'Assemblée Constituante un régime présidentiel inspiré des États Unis. Cette constitution est proclamée «en présence de Dieu et au nom du peuple français». Tout l'exécutif incombe au Président élu au suffrage universel pour 4 ans et non rééligible immédiatement. Le législatif est constitué par une assemblée unique, élue elle aussi au suffrage universel pour les hommes de plus de 21 ans, justifiant d'au moins six mois de résidence dans une même commune. (il s'agissait d'écarter au maximum les nombreux journalistes de l'époque, «ces hommes qui forment (…) la partie dangereuse des grandes populations agglomérées», selon Thiers.
Seul, en Maine et Loire, le Démocrate de l'Ouest s'est opposé «à la création inutile et dangereuse d'un Président de la République (…), parce que deux pouvoirs souverains se trouvent en présence, tous deux les élus de la nation, tous deux ses mandataires".
Dans cette Assemblée les démocrates socialistes représentent à peine 1/8ème des députés dont David d'Angers et le Dr Lefrançais, «le médecin des pauvres» à Angers.
Le partie de l'Ordre peut alors mettre en avant Louis Napoléon Bonaparte qui a l'avantage de porter un nom prestigieux, décanté en épopée épique, 40 ans après. Il se prétend soucieux du peuple. (il a commis une étude sur l'extinction du paupérisme (1), tout en se présentant comme un défenseur de «l'ordre dans la liberté». Il est élu avec 73,6% des suffrages exprimés.
Il a le soutien en Anjou du Journal de Maine et Loire, des «républicains du lendemain». Ceux «de la veille», soutiennent le général Cavaignac, à travers le Précurseur de l'Ouest. Cavaignac, l'homme de la répression des journées de juin, au nom «de l'ordre et de la vraie république» obtient 26565 voix en Maine et Loire. Pour les «républicains avancés», restent le «sage» Ledru Rollin, candidat des montagnards (1255 voix), le socialiste Raspail (106 voix) (2) et Lamartine (Lamartine! Quoi? Une femme!) entendait-on dans les campagnes (120 voix).
Bref, écrasante majorité tant en Maine et Loire qu'en France
Ambivalence d'une élection, à la fois contre les «menées révolutionnaires» et contre les sabreurs de la république de juin. Cela dans un pays où le suffrage universel était dans l'enfance
Jean-Paul Brachet
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1.                   «après 18 heures? ironise la gauche»
2.                  ce fut lui qui proclama la République, à l'Hôtel de Ville de Paris, en février1848

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