Le 10 décembre 1948, à la suite
«d'un immense quiproquo» (Victor Hugo), Louis Napoléon Bonaparte était élu
président de la IIème République, en recueillant les 3/4 des
suffrages exprimés, avec 73,6% des voix en Maine et Loire.
«C'est un crétin que l'on mènera»
avait pronostiqué Adolphe Thiers, en mettant à son service le parti de l'Ordre
(ordre social bien entendu) seule formation politique réellement structurée à
l'époque.
Le journal angevin, le Démocrate de l'Ouest ne s'était pas
trompé lui : la France vient de se donner un maître écrivait-il. Et en effet,
deux ans plus tard ce «dindon qui se croyait un aigle» mettait
fin à la
deuxième République par le coup d'état du 2 décembre 1951.
le quiproquo républicain
La République proclamée à l'issue
de la Révolution du 22 et 23 février 1948 mêle des «républicains de la veille»
et une majorité de «républicains du lendemain», des «voltairiens» que
représente le Journal de Maine et Loire,
le plus lu dans le département. (De Falloux est de ceux-ci). Ces derniers sont
majoritaires dans l'Assemblée Constituante élue en avril pour la première fois
au suffrage universel masculin.
Dans une société française au 3/4
rurale, l'influence des propriétaires fonciers et du clergé demeure
prépondérante, surtout dans l'Ouest. «L'ordre règne sans contexte dans l'Ouest»
note l'Union de l'Ouest, journal
clérical et légitimiste. Le gouvernement peut donner un coup d'arrêt décisif
aux revendications sociales. La fermeture des ateliers nationaux mis en place à
l'initiative de la gauche au bénéfice des chômeurs provoque en juin, une
insurrection suivie d'une répression sanglante à laquelle participent des
gardes nationaux envoyés d'Angers, de Saumur et de Montreuil Bellay, envoyés à
Paris pour «défendre la République». Ces journées de juin sonnent le glas de
tout espoir de République démocratique et sociale.
«Des amis de l'Ordre» à la manœuvre
Le 4 novembre 1846, ils font
adopter par l'Assemblée Constituante un régime présidentiel inspiré des États
Unis. Cette constitution est proclamée «en présence de Dieu et au nom du peuple
français». Tout l'exécutif incombe au Président élu au suffrage universel pour
4 ans et non rééligible immédiatement. Le législatif est constitué par une
assemblée unique, élue elle aussi au suffrage universel pour les hommes de plus
de 21 ans, justifiant d'au moins six mois de résidence dans une même commune.
(il s'agissait d'écarter au maximum les nombreux journalistes de l'époque, «ces
hommes qui forment (…) la partie dangereuse des grandes populations
agglomérées», selon Thiers.
Seul, en Maine et Loire, le Démocrate de l'Ouest s'est opposé «à la
création inutile et dangereuse d'un Président de la République (…), parce que
deux pouvoirs souverains se trouvent en présence, tous deux les élus de la
nation, tous deux ses mandataires".
Dans cette Assemblée les
démocrates socialistes représentent à peine 1/8ème des députés dont David
d'Angers et le Dr Lefrançais, «le médecin des pauvres» à Angers.
Le partie de l'Ordre peut alors
mettre en avant Louis Napoléon Bonaparte qui a l'avantage de porter un nom
prestigieux, décanté en épopée épique, 40 ans après. Il se prétend soucieux du
peuple. (il a commis une étude sur l'extinction du paupérisme (1), tout en se
présentant comme un défenseur de «l'ordre dans la liberté». Il est élu avec
73,6% des suffrages exprimés.
Il a le soutien en Anjou du Journal de Maine et Loire, des
«républicains du lendemain». Ceux «de la veille», soutiennent le général
Cavaignac, à travers le Précurseur de l'Ouest.
Cavaignac, l'homme de la répression des journées de juin, au nom «de l'ordre et
de la vraie république» obtient 26565 voix en Maine et Loire. Pour les
«républicains avancés», restent le «sage» Ledru Rollin, candidat des
montagnards (1255 voix), le socialiste Raspail (106 voix) (2) et Lamartine
(Lamartine! Quoi? Une femme!) entendait-on dans les campagnes (120 voix).
Bref, écrasante majorité tant en
Maine et Loire qu'en France
Ambivalence d'une élection, à la
fois contre les «menées révolutionnaires» et contre les sabreurs de la
république de juin. Cela dans un pays où le suffrage universel était dans
l'enfance
Jean-Paul Brachet
.
1.
«après 18
heures? ironise la gauche»
2.
ce fut lui qui proclama la République, à l'Hôtel de
Ville de Paris, en février1848
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