Samir Amin est probablement l’un des penseurs arabes actuels les
plus influents. Il est l’auteur d’une œuvre majeure sur la critique de la
globalisation à laquelle il a consacré depuis plus d’un demi-siècle, un grand
nombre d’ouvrages et d’essais.
Dans cette œuvre prolifique, l’économiste égyptien a consacré une bonne partie à l’analyse du Monde arabe et de la crise ouverte avec l’échec des nationalismes au pouvoir et la transformation de ces régimes en des dictatures corrompues. Samir Amin s’est attaqué particulièrement aux programmes d’ouverture et de libéralisation mis en place par la plupart des pays arabes à partir du début des années 1980 et a été l’un des premiers à souligner leurs limites et leur incapacité à initier une nouvelle dynamique de croissance et une nouvelle Nahda arabe.
On était alors curieux de
connaître l’analyse de Samir Amin du printemps arabe
et de ces révolutions qui ont commencé en Tunisie avec l’immolation de Mohamed
Bouazizi pour s’étendre à la plupart des pays arabes et mettre fin à
l’hypothèse d’une exception arabe. Dans cette œuvre prolifique, l’économiste égyptien a consacré une bonne partie à l’analyse du Monde arabe et de la crise ouverte avec l’échec des nationalismes au pouvoir et la transformation de ces régimes en des dictatures corrompues. Samir Amin s’est attaqué particulièrement aux programmes d’ouverture et de libéralisation mis en place par la plupart des pays arabes à partir du début des années 1980 et a été l’un des premiers à souligner leurs limites et leur incapacité à initier une nouvelle dynamique de croissance et une nouvelle Nahda arabe.
On était alors curieux de
Je dois dire que le résultat est à la hauteur des attentes et de la connaissance fine de l’intellectuel du Monde arabe. Samir Amin vient de publier un important ouvrage intitulé «Le Monde arabe dans la longue durée.
« Le printemps arabe ?», chez l’éditeur, Le Temps des Cerises à Paris. Cet essai riche d’une grande connaissance de la région se distingue de tous les ouvrages et essais qui ont été publiés après les révolutions arabes. En effet, lorsque tous ces essais mettaient l’accent sur l’instant «révolutionnaire arabe» en multipliant les témoignages ou les analyses immédiates, Samir Amin inscrit son analyse dans la longue durée et dans l’histoire de cette région et sa quête de modernité maintes fois avortée.
Ces «printemps arabes» sont pour l’essayiste le résultat de cette histoire longue faite de luttes, d’avancées mais aussi de reculs. Même si l’acte désespéré de Bouazizi en Tunisie a son importance, ce grand chambardement politique et social n’aurait pas pu avoir lieu sans cette histoire longue et surtout cette crise profonde dans laquelle s’est trouvé le Monde arabe avec la faillite des nationalismes.
Et, la longue durée du Monde arabe, concept que Samir Amin emprunte à Fernand Braudel, se résume en quatre moments clés. Le premier est celui que l’auteur appelle «plaque tournante» et qui correspond à la belle époque du Monde arabo-musulman et au règne de la civilisation arabo-musulmane du sixième siècle jusqu’au quinzième siècle avec la chute des derniers empires d’Occident et le recroquevillement de ce monde sur lui-même.
Durant cette période, cette région a joué un rôle important en facilitant les échanges économiques, politiques, sociaux et culturels devenant ainsi le véritable carrefour de la globalisation de l’époque. Avec la chute de l’Andalousie, commence une nouvelle période dans cette histoire longue du monde arabe qui correspond à ce que l’auteur appelle le déclin de cette région et qui est de plus en plus marginalisée et humiliée.
Face à ce déclin, le Monde arabe s’enferme sur ses gloires passées et s’inscrit dans une lecture littérale de la tradition islamique qui rompt définitivement avec l’innovation, l’ouverture et la créativité qui ont marqué la première période.
Lors de cette période du déclin Samir Amin fait une excellente analyse des pouvoirs des mamelouks qui ont régné en Egypte, mais qui se sont étendus dans d’autres pays arabes sous des variantes légèrement différentes.
Ce sont des systèmes qui se sont développés à la suite du règne de Saleh Eddine après sa victoire contre les Croisés et qui sont marqués par des formes complexes d’associations entre le pouvoir personnalisé d’hommes de guerre, particulièrement les combattants seldjoukes et ottomans, des commerçants et d’hommes de religion. Il s’agissait selon Samir Amin d’une véritable fusion entre les pouvoirs politique, économique et religieux et qui sont à l’origine du développement du despotisme et de l’arbitraire dans le Monde arabe.
En contrepartie de leur appui au pouvoir politique, les hommes de religion obtiennent de la part des princes le droit de l’interprétation du texte religieux et de l’exercice de la justice. L’Etat mamelouk et cette forme d’exercice du pouvoir ne sont pas sans rappeler les heures sombres que les pays arabes ont connu durant les années qui ont précédé le printemps arabe avec la domination de régimes dictatoriaux marqués par cette sainte alliance entre l’autoritarisme politique, certains secteurs du monde des affaires et quelques prédicateurs religieux.
La troisième période est celle du sursaut et qui correspond à la montée des nationalismes arabes à partir des années 1950 et qui a été marquée par les luttes de libération nationale et la construction de l’Etat-nation. Les tentatives de modernisation politique et économique ont été à l’origine d’une grande espérance. Cependant, l’échec de ces différentes tentatives et l’enlisement du Monde arabe dans des dictatures corrompues a ouvert une nouvelle ère dans l’histoire contemporaine que Samir Amin appelle le déclin.
C’est sur la base de cette analyse de la longue durée historique que Samir Amin ébauche une lecture du «printemps» en cours et évoque les défis auxquels il est confronté dans l’avenir. Pour l’auteur, le Monde arabe se trouve aujourd’hui devant une nouvelle opportunité pour reprendre une marche avortée à plusieurs reprises vers la modernité et sortir définitivement du passéisme pour entamer une nouvelle expérience historique. Mais, l’auteur souligne aussi que ce chemin est loin d’être un long fleuve tranquille et que ce réveil arabe pourrait s’enliser de nouveau.
La lecture de Samir Amin de la longue durée arabe est éclairante, car elle permet de situer ce printemps dans la longue quête de la modernité et montre que contrairement aux affirmations des orientalises «la nuit arabe» trouve son explication dans des conditions historiques et politiques et non dans un quelconque enfermement des arabes dans l’univers des mythes et de la sublimation.
Le «printemps arabe» offre une nouvelle opportunité pour le Monde arabe afin de s’inscrire dans la marche de l’histoire et construire une nouvelle expérience historique. A nous de saisir cette opportunité !
Hakim Ben Hammouda
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