Le Sénat, le 15 mai dernier, a adopté en première lecture par 186 voix pour, 100 contre et 159 abstentions, un amendement à la loi sur l’école de la confiance qui fait valoir que les parents d'élèves dans le cadre d'une sortie scolaire "deviennent des collaborateurs occasionnels du service public" et devraient en conséquence adopter la laïcité imposée aux fonctionnaires. Le texte était présenté par le groupe Les Républicains pour combler un vide juridique.
La gauche a voté contre. Une sénatrice du parti socialiste (Sylvie Robert) a déclaré que ce n’était pas un débat juridique, mais politique. En l’occurrence il eût été plus juste de dire politicien. La droite cible dans les faits les accompagnatrices voilées. Il est certain que le sénateur de la Vendée Philippe Retailleau n’aurait pas tenu le même plaidoyer en faveur de l’amendement s’il s’était agi de mères portant ostensiblement des croix chrétiennes. Mais de ces mères, il n’y en a pas à l’école publique. Elles ont leur école. Normal, la liberté de l’enseignement le permet. Anormal en revanche que beaucoup soient associées au service public et qu’elles soient à ce titre financées sur des fonds publics. Sur le plan juridique la loi Debré de 1959 est une grave entorse à la loi de 1905 qui, dans son article 2 stipule, que la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. La loi de 1959 est le pire accommodement non raisonnable à la loi de séparation des Églises et de l’État. Elle a ouvert la porte à des accommodements dits raisonnables. Considérer la maman accompagnatrice de sorties scolaires intégrées au service public d’éducation comme usagère et non comme collaboratrices en est un. Nous connaissons les arguments en faveur de cette libéralité accommodante. Pour les militants laïques, refuser les mères voilées en tant qu’accompagnatrices pourrait conduire ces dernières à opter pour l’enseignement privé catholique concurrent. Pour d’autres, plus pragmatiques, les sorties scolaires dans certains quartiers deviendraient impossibles. Enfin, pour certains, ce serait ajouter de la discrimination à la discrimination sociale. Discutable ce dernier point, c’est un mélange des genres. Si cet argument est associé au droit à la libre expression identitaire dans le cadre scolaire, il devient fallacieux. Il est porté par les faux amis de la laïcité scolaire. Faux amis qui n’ont jamais accepté la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école publique.
La gauche a voté contre. Une sénatrice du parti socialiste (Sylvie Robert) a déclaré que ce n’était pas un débat juridique, mais politique. En l’occurrence il eût été plus juste de dire politicien. La droite cible dans les faits les accompagnatrices voilées. Il est certain que le sénateur de la Vendée Philippe Retailleau n’aurait pas tenu le même plaidoyer en faveur de l’amendement s’il s’était agi de mères portant ostensiblement des croix chrétiennes. Mais de ces mères, il n’y en a pas à l’école publique. Elles ont leur école. Normal, la liberté de l’enseignement le permet. Anormal en revanche que beaucoup soient associées au service public et qu’elles soient à ce titre financées sur des fonds publics. Sur le plan juridique la loi Debré de 1959 est une grave entorse à la loi de 1905 qui, dans son article 2 stipule, que la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. La loi de 1959 est le pire accommodement non raisonnable à la loi de séparation des Églises et de l’État. Elle a ouvert la porte à des accommodements dits raisonnables. Considérer la maman accompagnatrice de sorties scolaires intégrées au service public d’éducation comme usagère et non comme collaboratrices en est un. Nous connaissons les arguments en faveur de cette libéralité accommodante. Pour les militants laïques, refuser les mères voilées en tant qu’accompagnatrices pourrait conduire ces dernières à opter pour l’enseignement privé catholique concurrent. Pour d’autres, plus pragmatiques, les sorties scolaires dans certains quartiers deviendraient impossibles. Enfin, pour certains, ce serait ajouter de la discrimination à la discrimination sociale. Discutable ce dernier point, c’est un mélange des genres. Si cet argument est associé au droit à la libre expression identitaire dans le cadre scolaire, il devient fallacieux. Il est porté par les faux amis de la laïcité scolaire. Faux amis qui n’ont jamais accepté la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école publique.
Ils ou elles accompagnent tous les élèves
Pour bien cerner cette question controversée de l’accompagnement des sorties scolaires, un retour sur le fondement du principe de la laïcité républicaine semble nécessaire.
Dans les commentaires sur la loi de séparation de l’État et des Églises, l’égalité est en général moins mentionnée que la liberté. Catherine Kinztler montre pourtant que l’égalité fonde le concept de laïcité comme principe d’association politique et citoyenne.
L’athée et l’agnostique valent autant qu’un croyant, ni plus ni moins. Aucun privilège ni spoliation ne doivent les affecter dans les services publics. Quand ils viennent à un conseil de classe en tant que parents-usagers du service public d’éducation, ils peuvent l’un et l’autre signifier leurs appartenances particulières sous condition de respect de l’ordre public. Ils y viennent en tant que maman et papa de leurs enfants. Ce n’est pas le cas pendant une sortie scolaire, ils accompagnent alors tous les élèves d’une classe. Des parents très hostiles à des marques ostensibles de signes religieux pourraient s’offusquer qu’elles sont imposées à la vue de leurs enfants. En réaction, selon la thèse de l’usagère et de l’usager, ils pourraient éventuellement en tant qu’accompagnateurs et accompagnatrices s’affubler de brassards proclamant « Ni dieu ni maître » ou « La religion est l’opium du peuple ». Des croyants de religions différentes existantes ou à venir pourraient aussi adopter la même attitude avec des symboles spécifiques. La sortie scolaire deviendrait alors un défilé de porte-drapeaux communautaires exposant des appartenances particulières. L’école publique, dans ses missions éducatives, ne serait plus l’école qui, en ignorant volontairement les appartenances particulières, rassemblerait au-delà de ces dernières.
Si, au nom de l’égalité et de la neutralité du service public d’éducation qui l’assure, il devait advenir une loi stipulant que les accompagnateurs et les accompagnatrices sont assimilés à des collaborateurs occasionnels, il faudrait expliquer. Expliquer que cette mesure n’est pas une sanction. Expliquer qu’elle protège de possibles étalages aussi légitimes pouvant être ressentis provocateurs et blessants. Expliquer que suspendre momentanément une appartenance n’est pas la renier. Bref, il faudrait donner au législatif un noble sens politique. La loi devrait être précédée d’un exposé des motifs clair aidant les enseignants à un dialogue préalable. Une juste loi ne pénalise pas une situation singulière mais vise un intérêt commun. En l’occurrence, en généralisant la mesure d’abstention à toutes les convictions, elle dépasserait le cas de la maman voilée. À ce sujet, Catherine Kintzler, philosophe, affirme « Croire qu’une femme , parce qu’elle est voilée, serait incapable de comprendre qu’il existe des espaces et des situations distincts, relevant de réglementations différentes, c’est la mépriser ». C’est du moins une compassion mal saine, relevant de l’essentialisme. C’est aussi ajoute-t-elle « désarmer celle qui entend échapper au lissage de sa vie »
Des accommodements partiaux
L’ajout d’un qualificatif au substantif laïcité n’est pas anodin. Même s’il varie selon les saisons (plurielle, apaisée, ouverte...) il porte chez ses auteurs toujours le même projet : un accommodement à la rigueur laïque en faveur des religions et de leurs adeptes. Il est fait l’impasse sur l’opinion des athées. Les tenants de l’abondement public des écoles privées osent soutenir que la nation doit leur donner le moyen d’être libres. Mais alors au nom d’une liberté égale, pourquoi ne pas subventionner des écoles prônant l’athéisme et le marxisme ? En Alsace-Moselle, toujours sous le statut concordataire de 1801, n’est-il pas aberrant que les parents athées doivent demander une dérogation pour que leurs enfants soient dispensés de cours de religion ?
Si les sénateurs auteurs de l’amendement balayaient devant leurs portes, ils seraient beaucoup plus audibles et crédibles. La controverse sur les accompagnements des sorties scolaires à l’école publique est biaisée. Elle souffre de précédents avantageant outrageusement la religion dominante. Avantages initiés et soutenus par la droite.
Jack Proult
P.S. De l’autre côté, à gauche, force est de constater que les défenseurs organisés des accompagnatrices voilées ont abandonné le combat d’une laïcité scolaire rigoureuse. La liberté identitaire prend le pas sur l’égalité de traitement, le particulier sur le commun et même l’ « indigènisme » sur l’universalisme
P.S. De l’autre côté, à gauche, force est de constater que les défenseurs organisés des accompagnatrices voilées ont abandonné le combat d’une laïcité scolaire rigoureuse. La liberté identitaire prend le pas sur l’égalité de traitement, le particulier sur le commun et même l’ « indigènisme » sur l’universalisme
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