vendredi 23 novembre 2012

Abolition de la prostitution



La ministre des Droits des  femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a ouvert le débat en remettant sur le métier le projet d'abolition de la prostitution qu'avait initié, dans le précédent gouvernement, Roselyne Bachelot. Jean Goblet se fait l'avocat de deux thèses. Deux points de vue furent déjà exposés dans le numéro 99.



Est-on propriétaire de son corps ?
Le projet d'abolition de la prostitution relance le débat.
  
C'est à moi, le gamin qui dans la cour de l'école maternelle défend son sac de billes est le symbole de l'attachement d'une grande partie de l'espèce humaine à la propriété. Sacro-sainte propriété, ils ne sont pas nombreux ceux qui  partagent l'opinion de Proudhon : La propriété c 'est le vol. Mon bien, mes biens sont considérés comme
une partie de soi, la terre pour les paysans, la chaumière pour monsieur et madame Tout-le-monde, l'automobile pour certains. Les agents immobiliers étaient encore il y a quelques années des « marchands de biens ». Dans le code civil elle est longue la liste des articles sur  les infractions et délits d'atteinte à la propriété.

Paradoxe, il n 'est pas évident que l'on soit propriétaire, en totalité ou en partie, de son corps. L'Eglise catholique, en refusant  l'ultime bénédiction à la dépouille des suicidés, estime que l'on ne doit pas disposer de son corps, lequel appartient au Dieu créateur, seul autorisé à le   rappeler à  lui. Dans des pays arabes la femme adultère n'était-elle pas condamnée à la lapidation, son corps étant la propriété de son mari.
La législation moderne stipule que si on est propriétaire ses organes : foie, rein, cœur... on ne peut cependant pas les commercialiser. Nous n'en avons en quelque sort que l'usufruit et la possibilité d'en faire don, sous certaines conditions.
La ministre des  Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, qui a mis ses pas dans ceux de Roselyne Bachelot, en projetant d'abolir la prostitution conteste aux femmes, en priorité, la propriété de leur sexe en leur interdisant de le louer. Le problème posé est  à la fois juridique, moral et commercial.  Il y a bien sûr l'indiscutable préalable de la non-contrainte. Le fait pour une femme d'accepter librement de  louer son vagin se différencie-t-il de la  location  de sa force musculaire par un terrassier ou de ses cogitations intellectuelles par un comptable.
On évoque l’aliénation, l'humiliation de la femme, mais n'est-il pas aliéné et humilié le travailleur à la chaîne qui deux  à trois fois par seconde, huit heures par jour et 250 jours par an,   effectue le même geste.
Il est aussi mis en évidence que les travailleuses du sexe le font en désespoir de cause, n'ayant pas réussi à trouver une autre activité  pour faire face à leurs besoins vitaux, mais la jeune femme titulaire  d'un diplôme bac plus  quatre, qui office à la caisse d'un hypermarché, ne s'est-elle pas aussi résignée à cet emploi en désespoir de cause.
Pour aller au bout de sa démarche la ministre devrait envisager  de mettre à l'index les films X, dans lesquels acteurs et actrices commercialisent publiquement leur sexe, ainsi que les photos pornographiques qui s'étalent sur les écrans d'ordinateurs, via internet.
Outre qu'il est illusoire, pour des raisons tenant à notre espèce, de vouloir interdire le plus vieux métier du monde, c'est la liberté de disposer de soi-même qui est  menacée, à moins de considérer que les organes liés à la reproduction sont l'objet d'un culte particulier.


Une avancée sociale
  
Le projet  de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, ne doit pas être considéré comme un vœu pieux inspiré par des intégristes féministes.
L'argument de l'impossibilité d'éradiquer « le plus vieux métier du monde » n'en est pas un. L'esclavage a été aboli, et il y a encore des esclaves.  L'ivresse au volant est également interdite, mais elle n 'est pas éradiquée. Il en est de même de la limitation de vitesse. Interdiction de rouler à plus de 130 kilomètres-heure sur auto-route, ce qui n'empêche pas certains de pousser au-dessus de 200. Reste que l'interdit  est sanctionné et que la menace de la sanction a des vertus dissuasives. On peut penser que la perspective de se retrouver devant un tribunal tempérerait les ardeurs des clients des prostituées. On peut certes arguer qu'en Suède la loi sur l'abolition  n'a fait que  rejeter la prostitution dans la clandestinité,  mais il est aussi vrai que la loi sanctionnant les clients n'est pas appliquée  avec une extrême rigueur.
Autre argument : toute activité salariée est prostitution., on loue ses facultés cérébrales ou  physiques, c 'est à dire une partie de son corps à un tiers, en échange d'une  rétribution. Nuance importante, l'action du travailleur  manuel ou intellectuel est extérieure à son corps, alors que la prostitution constitue une intrusion dans  l'intimité de son corps. Dans un cas on utilise les biceps du travailleur manuel, dans l'autre on prend possession  d'une partie du corps, comme on le ferait d'une marchandise. L'acte, même consenti, est un viol, au même titre que le fait d'accaparer le psychisme d'un individu par le gourou d'une sec te.

Est-il  jamais consenti  par les femmes l'acte sexuel rémunéré ?  Ne parlons pas des victimes des proxénètes. Ne parlons pas de ces  filles, de ces gamines des pays de l'Est  et d' Afrique, auxquelles on fait miroiter un eldorado et  qui se retrouvent sur le trottoir livrées à des  mafieux sans scrupules. Des prostituées se déclarent travailleuses (indépendantes) du sexe et demandent à être officiellement reconnues comme telles. Le choix d'exercice de « leur métier » relève le plus souvent de contraintes sociales. C'est le cas des  étudiantes qui  se vendent pour payer leurs études. En tout état de cause dans l'acte sexuel rémunéré  il n'y pas deux partenaires égaux, mais un dominant et un dominé. La femme est  la merci des exigences, des fantaisies du mâle dominant, de celui qui  paye. Elle est qu'elle le veuille ou non dans le rôle de l'esclave; elle est réduite à l'état d'objet.
L'abolition de la prostitution  marquerait une avancée sociale  comme l'a été la dépénalisation de l'avortement, une avancée vers plus d'humanité dans les rapports  entre les deux sexes.
J. G.

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