vendredi 11 mai 2012

Taslima Nasreen, un combat pour le droit des femmes et une laïcité universaliste au péril de sa vie


Danielle RIVA  (du site Utopie critique)
« L'Etat doit être séparé de la religion; la Constitution, la loi, l'éducation, la liberté d'expression et les individus ne peuvent être garantis que par la laïcité » (T. Nasreen)
Cette parole militante claire et directe pour le droit des femmes et la laïcité, devrait trouver des résonnances profondes dans ce pays, la France, qui a inventé la laïcité mais qui doute aujourd’hui face à un Islam fondamentaliste, tout au moins parmi cette gauche qui fait preuve d’un certain laxisme, comme l’explique par ailleurs T. Nasreen. Le Front National s’est récemment emparé de ce thème de la laïcité (bien que son histoire et celle d’une partie de ses militants contredise cette loi républicaine). Il a remarqué cette faille à gauche et aussi que la population restait attachée à cette « spécificité française » et est politiquement hostile au communautarisme anglo-saxon. Est-ce pour autant que le combat pour la défense de la République laïque devrait-être abandonné ? T. Nasreen est là pour nous dire combien il est toujours fondamental pour nos sociétés.
Le mercredi 30 Novembre 2011, Taslima Nasreen tenait une conférence à la faculté Paris Diderot qui devait lui attribuer le lendemain le titre de Docteur Honoris Causa. (Et, le 9 janvier, le prix 2012 Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes, a été attribué à l’association Tunisienne des Femmes Démocrates).
Taslima Nasreen est née au Bengladesh en 1962. La constitution du Bangladesh (dont les piliers étaient le nationalisme Bengali, le socialisme, la sécularisation et la démocratie) avait été rédigée à sa création dans un esprit de laïcité, En 1975, à la suite de l’assassinat du fondateur du Bengladesh, l’armée s’est servie de la religion pour légitimer le pouvoir qu’elle venait de prendre, et depuis les années 1980, ce pouvoir est devenu islamique et l’aspect laïque de la Constitution a été supprimé. Elle y a fait des études de médecine se spécialisant en gynécologie qu’elle a commencé à exercer en 1986. Elle est depuis plusieurs années en
exil, expulsée de son pays puis, après une longue errance en Europe, de l’Inde où elle avait trouvé refuge pour un temps et qui lui a refusé la nationalité, sous le prétexte que sa présence suscitait des troubles, les islamistes manifestant régulièrement contre elle (une manifestation de 500000 personnes a fini par réclamer son départ). «Où puis-je aller ? J’ai un chez moi qui m’est interdit, j’ai un chez moi dans le cœur de ceux qui luttent contre tous les extrémismes ».
Elle commença par publier des poésies, des articles puis des romans dans lesquels elle dénonce l’oppression faite aux femmes qui doivent se soumettre à la férule de la loi religieuse et donc celle des hommes. A ce titre sa vie est menacée par 5 fatwa qui ont mis sa tête à prix, lancées par plusieurs dignitaires religieux musulmans. « J’ai été déclarée apostat et à ce titre le premier croyant peut me tuer et pour cela il recevra une récompense.». Mais rien ni personne n’arrêtera son combat pour le droit des femmes et une laïcité universaliste.
Les livres de T. Nasreen ont été interdits en raison d’un article de loi qui condamne le blasphème. Ce fameux article qui a déchaîné la hargne des musulmans fondementalistes de la planète lors de la publication au Danemark des caricatures de Mahomet. « Le succès de mes livres a irrité les intégristes car j’y exprimais que l’Islam et le prophète lui-même opprimaient les femmes en rappelant qu’il a épousé une enfant de 6 ans et sa belle fille, qu’il était un pédophile et qu’il violait les femmes et pillait les biens des juifs, et ces faits sont avérés ».
Elle explique aussi que la religion n’est pas seule en cause dans cette interdiction : « Mon livre intitulé : Rumeurs de haine (2005) dans lequel je critique l’Islam et le prophète Mahomet a été interdit par le Parti Communiste qui dirige le Bengale occidental », « Les islamistes n’avaient pas protesté contre le ce livre avant qu’il ne soit censuré par les communistes au pouvoir. » « Les politiques ont intérês à exciter les identités religieuses … pour de simples raisons électoralistes » Ainsi l’Inde, perçue en Occident comme une grande démocratie, « n’a pu protéger une femme luttant pour la laïcité », a fini par l’expulser vers un exil indéfini car même « les libéraux (*) y défendent la religion et l’Islam ».(* les libéraux : la gauche au sens anglo saxon)
On lui reproche son athéisme : «Je critique toutes les religions. La religion c’est de la haine et la haine entraîne la haine. La religion est une violence contre les femmes. Elles sont opprimées par la religion, la tradition, la culture et les coutumes. Le patriarcat et la religion sont incompatibles avec les droits des femmes… D’autre part il ne doit y avoir aucune limite à la liberté d’expression. »
On lui dit qu’elle serait sous l’influence de l’Occident : «Ce n’est pas l’influence occidentale qui me poussait à dire à ma mère - musulmane pratiquante mais qui a toujours soutenu mon combat comme l’ensemble de ma famille – dès que j’eu 5 asn, l’ âge auquel on intéresse les enfants à la religion : Pourquoi croire ? Pourquoi porter la burqa ?, Pourquoi apprendre le Coran dans une langue que je ne connais pas ?... (*) Peu à peu j’ai lu des livres scientifiques et j’ai compris que tout cela était faux ». (*: le Coran, transcription directe de la parole de Dieu ne pu être traduit pendant longtemps, pour ne pas altérer cette parole).
Il n’est pas modéré en soit et il n’y a pas de différence entre Islam et intégrisme musulman. . « C’est un phénomène social, étatique qui décide de tous les aspects de la vie, il n’est en rien une pratique individuelle ni une religion de la paix. », « Les intégristes ont fait de l’islam la base d’une utopie radicale qui vise à remplacer la liberté et la démocratie comme système dominant… Seul l’Islam a inventé le djihad… L’enseignement du Coran est plein d’incitation à la violence qu’une lecture simplifiée peut pousser à l’acte … d’autre part le Coran ne donne pas de droits aux femmes… Dans de nombreux pays musulmans, la charia n’est pas pratiquée comme le veulent les intégristes, mais les lois fondamentales du Coran sont respectées malgré l’inscription dans les Constitutions des droits égaux »
Et Taslima de s’inquiéter de la frilosité de la gauche européenne. « Je crois qu’en Occident vous avez un peu peur du fondamentalisme islamique », et « J’ai souvent l’impression que les gauchistes sont stupides, pensent-ils vraiment être les amis des intégristes musulmans ? Ceux-ci se servent d’eux et ils les attaqueront le moment venu. Je trouve l’extrême gauche embrouillée, réactionnaire et ignorante. ». Elle est « extrêmement opposée au voile intégral, c’est de l’esclavage, il glorifie la servitude des femmes » et à la question « Que pensez-vous de la loi française ? Elle répond «Elle me va ».
Taslima Nasreen craint qu’au nom du multiculturalisme toutes ces cultures hostiles aux femmes, ces traditions qui oppriment, dénigrent et répriment les femmes ne soient défendues et qu’elles finissent par être considérées comme de la culture comme cela semble arriver en Angleterre où il y a peu, même un évêque a admis la possibilité de l’exercice de la charia pour les musulmans sur le sol britannique !
Plutôt que de faire des concessions aux revendications islamistes : «Il faut critiquer l’Islam pour que les sociétés évoluent et deviennent modernes. Il faut remettre en cause les pratiques sociales de l’Islam, son aspect non scientifique et non rationnel…Il faut se demander au contraire si la religion et la démocratie peuvent coexister, si la religion et la liberté d’expression peuvent coexister, si la liberté, la démocratie, les droits de l’homme et la liberté d’expression peuvent coexister… » « Je crois qu’ils ne peuvent coexister avec quelque religion que ce soit ».
Enfin, le combat contre la religion, n’est pas seulement le combat contre une religion, l’Islam, ou le combat du christianisme contre l’Islam, mais c’est avant tout le combat entre deux idées « le sécularisme et l’intégrisme », « la démocratie et la théocratie », le combat entre les « forces progressistes, sécularistes et laïques contre les forces conservatrices, entre raison et barbarie, entre esprits rationnels et logiques et une foi aveugle et irrationnelle » . Et son combat est plus global, car elle ajoute « Je suis tout d’abord du côté de l’opprimé et pas seulement contre l’Islam ».
C’est pourquoi elle pense que l’on risque de voir les pays de la « Révolution Arabe » qui ne sont pas laïques remplacer les dictatures par des théocraties dont le premier geste sera de s’exercer contre le droit des femmes. La démocratie c’est au contraire : «Ouvrir les mêmes droits à tous : hommes, femmes, enfants dans le cadre d’une société civile qui met en place un code civil et qui respecte les droits et lutte contre la pauvreté, pour l’éducation de tous, y compris celle des femmes nécessaire à l’évolution de la société»
« Je rêve d'un monde merveilleux sans religion »
Les livres de Taslima Nasreen :

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