mardi 15 mars 2016

Des mots

Médias, responsables politiques nous abreuvent de termes, de concepts à la mode: adaptation, compétitivité, coût salarial, laïcité ouverte, etc... Dressons, à l'usage des citoyens, un petit lexique.

Adaptation:
« adaptez-vous ». On peut paraphraser Guizot, qui au XIXème siècle disait «enrichissez-vous»! Nous sommes sommés de nous adapter au marché du travail, de nous accommoder des contraintes du capitalisme, sous peine d'être taxé de rigidité conservatrice, d'hostilité à tout changement au regard d'un monde de plus en plus complexe.

Changement:
Maître-mot. Il méconnaît et occulte des contraintes déterminantes: celles de l'échange inégal, de la domination et de l’exploitation, ou encore des rapports sociaux antagonistes.

Classes sociales:
On n'en parle plus, au profit de l'appellation sociétale, jeunes, retraités, femmes, diplômés, minorité, urbains, ruraux...

Compétitivité:

Un des mots clefs d'aujourd'hui il serait au fondement d'une démocratie ne répondant qu'à des choix économiques présentés comme inéluctables dont dépendrait évidemment les normes sociales.

Complexité:
Le monde apparaît de plus en plus complexe. Au nom de quoi, nombre de questions politiques sont déguisés en questions scientifiques. Et les décideurs opposent cette complexité à tous ceux qui contestent leurs décisions. Les experts font hontes aux profanes, qui sont ainsi exclus des processus de décisions. Au nom de la complexité sont ainsi jugés simplistes les oppositions entre bourgeois et prolétaires, entre patrons et salariés, et finalement entre droite et gauche.

Coût salarial:
Dans tous les discours, les salaires sont synonymes de coût. Leurs évolutions devraient donc être en adéquation avec le marché du travail. Il n'est officiellement question, chez les décideurs de l'U.E. que de réduire, alléger, abaisser ce coût (1). Pour se faire, une des solutions adoptées consiste à déconnecter du travail (qui alimente par cotisations la protection sociale) une part déclarée on salariale, et relevant elle de la fiscalité.

Diversité:
La diversité culturelle est aujourd'hui une évidence. Et sans doute la culture est-elle la combinaison d'un nombre indéterminé d'éléments: langues, religions, coutumes, droit, arts (dont la cuisine). Mais il convient de s'opposer aux multiculturalismes d'essence religieuse.  Élisabeth Badinter dénonce «cette idée que tous les rituels culturels et religieux, y compris les plus intégristes, sont respectables et doivent être respectés». Ce sabotage d'une tradition universaliste relevant «d'un manque de courage». Pour sauver la paix on pense qu'il suffit de nier le problème».
École:
La massification de l'enseignement secondaire, générée par les besoins de la croissance  économique, a été perçue comme une démocratisation des études. Et puis, la prise de conscience d'une crise de civilisation (mutations technologiques croissantes, compétition internationale exacerbée) a posé un problème à l'école obligatoire. Il est désormais question d'un empilement de connaissances sclérosées, de «compétences de base et de compétences transversales, bref il s'agit d'adapter le futur producteur et consommateur à un  environnement en mutation. Et l'on oublie en occurrence que l'école devrait tout à la foi instruire et éduquer».

Équité:
Rien à voir avec l'égalité. Elle correspond à la valeur de chacun, de ses mérites. Mais quels sont les critères de cette valeur, de ses mérites?

Europe:
Présentée comme une autorité indiscutable. Elle doit donc ordonnancer toutes les règles nationales au nom de certaines libertés fondamentales: celles des capitaux, des marchandises, des services, des personnes. Le tout étant encadré par une monnaie unique depuis le, traité de Maastricht (?)
Mais le débat politique autour des lois européennes est marqué par le fait que ces normes de la concurrence ont une valeur juridique supérieure aux règles nationales. Autrement dit, les citoyens ne sont pas invités à participer démocratiquement au pouvoir politique. Ils doivent se soumettre à des règles européennes régit par le principe de la concurrence.

Europe :
Présentée comme une autorité indiscutable qui doit ordonnancer toutes les règles nationales, au nom de quatre libertés fondamentales: celle des capitaux, des marchandises, des services, des personnes. Le tout  encadré par une monnaie unique depuis le traité de Maastricht (signé le 7.2.1992).Mais le débat politique autour des lois européennes est de fait amputé: pourquoi? Parce que les normes de la  concurrence ont une valeur juridique supérieure aux règles nationales. Autrement dit, les citoyens ne sont pas invités à participer démocratiquement au pouvoir politique, mais à se soumettre à des règles régies par le principe de la concurrence.

Flexibilité:
Un des mots clés du libéralisme économique contemporain. Embauches et licenciements, sous-traitance, délocalisations, sont dès lors la règle de fonctionnement pour la production de valeur. Mais cela peut être la source de difficultés sociales ou politiques. Aussi aura-t-on recours à la flex-sécurité qui combinerait sécurisation et parcours professionnel et flexibilité imposée par l'employeur. C'est le cas dans les pays nordiques, avec la complicité active des syndicats qui regroupent là-bas la très grande majorité des salariés.

Idéologique:
L'idéologie renvoie à un système d'idée. Mais aujourd'hui prévaut la locution «purement idéologique». Elle a un caractère polémique, et, en fait, présenterait un esprit partisan. Cela relève de la démagogie, au mieux, d'une vision purement idéaliste des choses de la vie.

Impôts:
Ne pas oublier que le terme est directement lié au terme «imposer». Il n'est pas innocent qu' »impôt» est été substitué à «contribution». La Déclaration du Droit de l'Homme et du Citoyen en 1789 déclarait ceci, dans son article 12 «pour l'entretien de la force publique, et les dépenses de l'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés». Il n'y a pas si longtemps que le Ministère des Finances était organisé en deux services: celui des contributions directes et celui des contributions indirectes.

Information:(société de l')
Elle n'en serait qu'à ses débuts avec de multiples potentialités dans le cadre de la modernisation. Mais de quelles informations s'agit-il, au bénéfice de qui ? Omnipotence des réseaux de communications se fondent sur la disparition, de fait, de l’état et de son pouvoir (alors même que l’état joue et jouera un rôle de premier plan sur la promotion de ce secteur.

Les jeunes:
L'article «les» renvoie à une même catégorie sociale. Mais quoi de commun entre un enfant de smicard et celui d'un cadre supérieur (hormis peut-être d'une même appétence pour une même musique) ?

Laïcité:
Son étymologie vient du grec « laos, le peuple ». La laïcité postule l'autonomie de la société et de l’état par rapport à toute religion, donc la séparation du temporel et du spirituel.

Moderniser:
A priori, il s'agit de rénover pour répondre à de nouveaux besoins face à un certain nombre de blocages techniques et bien sûre à un étatisme... Mais au profit de qui?

Populisme:
Haro sur le populisme! Il serait démagogique et rétrograde. Ce serait un nouvel opium du peuple qui toucherait les plus bas dans l'échelle des revenus, des savoirs. Et l'on oublie (pour l'enterrement sans doute) que populisme renvoie à populaire, à peuple ainsi à la fin du XIXème siècle en Russie, comme aux Etats Unis populisme signifiait «faisant retour au peuple»

Société civile:
Rien à voir avec l'Etat, le marché, la société religieuse, la société militaire. Au total un fourre-tout multiforme très commode.

Terrorisme:
Vertueusement on le condamne, mais, qu'en est-il de la guerre de ses horreurs en démocratie (que penser Hiroshima?). En fait, au total le mot relève du brouillard empêchant toute tentative d'explication du phénomène.

Think-tank:
En français «réservoir à idées» ou cercle de réflexion. Officiellement, ils sont en dehors du pouvoir. Leurs insertions sont commandées par des autorités publiques et les forces dominantes en toute neutralité.  Ce sont en fait des lobbies qui disent exprimer la société civile.

Vivre ensemble  (le):
Entrer en bonne place dans l'argumentaire démocratique, il se veut la réponse à l'individualisme et aux multiculturalismes. Ce serait un nouvel impératif de la société. Ne serait-il pas plus pertinent, plus juste, d'invoquer la perspective d'un contrat social (au sens de la morale et de la collectivité) plutôt qu'une cohabitation sous-jacente dans le «vivre ensemble»?

(1)  alors même que les dividendes montent en flèche, et que les salaires reçus par certains patrons sont purement indécents.

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