vendredi 11 décembre 2015

Battre l'extrême droite, à gauche

PAR YVON QUINIOU

BLOG : LE BLOG DE YVON QUINIOU

Je reprends ici ma contribution au livre collectif, "Pour le peuple, contre le FN", paru récemment au "Temps des Cerises", dont le titre est: "Pourquoi l'extrême droite gagne et pas le Front de gauche?"
 
Pourquoi l’extrême-droite gagne et pas le Front de gauche ? Un préalable, d’abord. Le FN a largement progressé aux dernières élections municipales et surtout aux élections européennes où il est arrivé en tête de tous les partis, d’une manière extrêmement préoccupante. Pourtant, et avant d’aller plus loin dans l’analyse, il convient d’abord de rappeler que ces dernières élections n’avaient pas d’enjeu directement national. On ne saurait donc projeter mécaniquement leurs résultats sur un autre type d’élections, plus révélatrices de son influence réelle, surtout si l’on y ajoute le facteur de

mardi 9 juin 2015

Charlie qui, Charlie quoi?

(De son blog sur mésdiapart)
25 MAI 2015 |  PAR YVON QUINIOU
La dissolution progressive de « l’effet Charlie » pose deux questions distinctes.  D’abord, on peut légitimement se demander qui était présent aux formidables manifestations du 11 janvier.
 Emmanuel Todd, en s’appuyant sur des analyses sociologiques de terrain, entend démythifier ce mouvement de protestation en indiquant qu’il aurait surtout mobilisé les classes moyennes et une partie de la droite, y compris des catholiques, ces mêmes catholiques qui ne se privaient pas de critiquer les propos irréligieux de Charlie Hebdo – le pape actuel a même repris l’accusation de blasphème à l’encontre du journal après l’attentat. Quant aux classes populaires elles auraient été absentes, s’enfermant dans la ségrégation dont elles font l’objet, et même les musulmans modérés auraient été peu actifs et peu nombreux (quoique présents).  Cette analyse devrait briser l’apparence magnifique d’unité nationale transcendant les clivages de classes dont Hollande a voulu jouer et qui lui a profité un temps : ces clivages demeurent et la profonde déception des classes populaires devant la politique du gouvernement est revenue massivement. A mon avis, d’autres facteurs ont dû intervenir pour expliquer le retrait des couches populaires, proprement culturels, et qui renvoient par exemple à la déshérence morale, intellectuelle et idéologique qui accompagne malheureusement la déshérence sociale. Mais le diagnostic de Todd me paraît assez juste, même si j’ai moi-même été sur le coup victime de cette illusion d’unité nationale.
Reste l’autre question, plus grave : de quoi s’est-on indigné

dimanche 7 juin 2015

Pour une conception offensive de la laïcité

26 MARS 2015 |  PAR YVON QUINIOU
La laïcité est menacée sous des formes diverses un peu partout dans le monde, y compris en France bien avant l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, puis avec un Hollande guère intransigeant non plus sur ce terrain, alors qu’elle est le pays où, dans le sillage 1789, elle a pris la forme la plus rigoureuse qui devrait servir de modèle aux autres pays et aurait dû lui éviter un pareil risque. Je commencerai donc par décrire un certain nombre de ces menaces, avant de proposer ma définition d’une laïcité offensive pour laquelle il faut avoir le courage de se battre.
La menace actuelle qui pèse sur la laïcité
Je laisse de côté les régimes musulmans qui, même quand ils se réclament de la République, sont en réalité la plupart du temps des théocraties, n’acceptant pas la séparation du pouvoir politique ou temporel et le pouvoir spirituel ou religieux : la Loi islamique, inscrite dans la charia, couvre tous les champs de l’existence de l’homme, politique et  confessionnelle, individuelle comme collective, et sa source est déclarée divine à travers le Coran, ce qui

vendredi 5 juin 2015

La mairie de Paris est-elle encore laïque ?

Depuis bien trop longtemps, la laïcité se réduit à l’article premier de la loi de la loi de 1905 concernant la séparation des Eglises à savoir : « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. », or c’est oublié que dans son article 2, la loi dispose que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Depuis plusieurs années, la mairie de Paris finance à coûts de subvention, les crèches confessionnelles ou la nuit du Ramadan ou encore renomme le parvis de Notre-Dame en place Jean-Paul II. Bref, elle reconnait et finance les communautés religieuses…. Mais ce n’est pas tout.

Dans un article daté du 14 avril et publié sur le site 20 minutes, nous apprenons que : « la Ville de Paris va louer au Conseil français du culte musulman (CFCM) les locaux qu’il occupe actuellement pour un loyer symbolique de 100 euros par an, selon une délibération approuvée mardi par le Conseil de Paris. » Ce loyer faible correspondrait à 

mercredi 3 juin 2015

Elisabeth Badinter : "Je ne pardonne pas à la gauche d'avoir abandonné la laïcité"

Propos recueillis par
Eric Conan
"Marianne" consacre un hors-série à la laïcité qui rassemble une sélection de grands textes sur le sujet signés de figures historiques comme Clemenceau, de Gaulle, Gambetta ou encore Hugo. Ce trimestriel réunit aussi des textes inédits comme cet entretien d'Elisabeth Badinter qui juge "désolant" le pouvoir accordé par la gauche aux curés, imams et rabbins et dénonce les lâchetés des socialistes depuis vingt-cinq ans à propos du voile.
Marianne : En 1989, lors de la première affaire médiatisée de voile à l’école, à Creil, vous avez, avec quelques autres, lancé dans le Nouvel Observateur un appel à défendre la laïcité. Où en sommes-nous un quart de siècle plus tard ?
Elisabeth Badinter : Il s’est produit un renversement à gauche sur la laïcité, produit d’une gêne considérable face à la montée de l’islamisme. Tétanisée à l’idée d’être taxée de stigmatisation d’une population d’origine immigrée, la gauche s’est empêchée de traiter cette situation nouvelle, mais pas si différente de

lundi 1 juin 2015

Contre l’intégrisme, choisissons la respiration laïque


Le Monde.fr | 30.01.2015 à 10h57 • Mis à jour le 30.01.2015 à 16h31



Par Catherine Kintzler, philosophe, auteure de Penser la laïcité (Paris : Minerve, 2014)

L’intégrisme ne peut pas souffrir les points de fuite par lesquels on peut échapper à son exigence d’uniformisation de la vie et des mœurs. Tout ce qui troue ce tissu qu’il veut intégral, ordonné à une parole unique, lui est odieux. Rien d’étonnant à ce qu’il s’en prenne à la liberté d’expression, et généralement à toute altérité.

Les États de droit sont naturellement dans le viseur de son tir ; on se souvient des caricatures au Danemark, de Theo van Gogh, de Rushdie, de Redeker, de Toulouse. Avec les assassinats de Paris, où un parcours sanglant des figures de la liberté a été tracé (le « blasphémateur » qui teste la liberté, le policier républicain qui la protège, le juif qui incarne l’altérité haïe), suivis par la démonstration sans précédent d’un peuple se réappropriant ses principes, on atteint une sorte de classicisme dans l’opposition épurée entre la violence intégriste meurtrière et les principes républicains libérateurs. Dans son éditorial du 14 janvier, Charlie-Hebdo, sous la plume de Gérard Biard, pointe le noyau intelligible de cette opposition absolue : le régime laïque, nec plus ultra de l’État de droit.



La laïcité comme régime politique est en effet une cible éminente pour

lundi 16 février 2015

Laïcité: lettre ouverte aux élus.



Article paru dans MEDIAPART

Henri Pena Ruiz
ancien membre de la commission Stasi sur l'application du principe de laïcité
Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la laïcité (Editions Plon)
Prix de l’initiative laïque 2014 et Prix national de la laïcité 2014.

La laïcité va mal. Ancien membre de la Commission Stasi sur l’application du principe de laïcité dans la République, je ne peux garder le silence. Naguère, la droite au pouvoir la malmenait par la bouche de Monsieur Sarkozy. Aujourd’hui certains élus de gauche ne la traitent pas mieux. Tout se passe comme si les vrais ennemis de la laïcité et ses faux amis semblaient d’accord pour l’encenser en principe et la violer en pratique. Halte à la duplicité. Inventaire.
D’abord un vocabulaire polémique brouille les choses à loisir. Il est trop facile, par exemple, d’inventer une opposition artificielle entre la laïcité dite "ouverte" et la laïcité dite "de combat". La première expression est usuelle chez les adversaires de la laïcité qui insinuent ainsi que la laïcité tout court serait fermée. Une calomnie travestie en signe d’ouverture. La seconde est

samedi 14 février 2015

Jaurès et l’idéal laïque


Aujourd’hui, en ces temps de grande confusion idéologique, il est bon de revenir à Jaurès, en particulier en matière de laïcité. Son combat pour la laïcité est bien documenté et est un des thèmes les plus constants de sa réflexion et de son action. Depuis son premier discours de député républicain le 21 octobre 1886 jusque dans les articles bimensuels qu’il donne à partir de 1905 à la Revue de l’enseignement primaire et primaire supérieur (REPPS), Jaurès n'a cessé de penser et d’agir pour étendre la laïcité. Sans oublier son rôle méconnu mais décisif dans l'élaboration de la loi de 1905 !
Sa conception de la laïcité peut se résumer en trois assertions fondamentales et complémentaires :
1°) Dès son premier discours à la Chambre des députés, Jaurès déclare : « La société française repose, non plus sur l'idée religieuse transmise et discutable, mais sur l'idée naturelle de justice acceptée par tous. La laïcité n'est que l'expression de ce principe ».  La société française ne repose plus sur les « devoirs envers Dieu », mais sur les « droits de l’homme et du citoyen ».

vendredi 13 février 2015

Jaurès et la laïcité scolaire, par Jean-Paul Scot

« J’accepte pleinement, sans réserve aucune, le principe qu’est la laïcité[1] ». Dès son premier discours à la Chambre des députés, le 21 octobre 1886, le jeune élu centre gauche s’affirme pleinement conscient de l’enjeu que représente la laïcité de l’école publique : « Deux forces se disputent aujourd’hui les consciences : la tradition qui maintient les croyances religieuses et philosophiques du passé ; la critique, aidée de la science, qui s’attaque, non seulement aux dogmes religieux, mais aussi au spiritualisme … » Le professeur de philosophie, né à la vie intellectuelle par le rejet de l’intégrisme du pape Pie IX et la critique de l’idéalisme de Victor Cousin mais aussi du positivisme d’Auguste Comte, ne confond pas la laïcité avec l’athéisme ou l’hostilité à la religion, ni même avec l’anticléricalisme gallican ou la séparation du temporel et du spirituel. D’emblée, Jaurès affirme clairement sa conception de la laïcité scolaire :