mercredi 12 mars 2014

Lamoricière : un parcours chaotique

Le libéral
Le général Lamoricière est né à Nantes en1806. Il était par sa mère le petit fils de Joseph Robineau qui en  janvier 1791 acheta pour 370 600 francs l’abbaye du Pontron au Louroux-Béconnais  vendu comme bien national (26 fermes, deux moulins, quatre étangs, des bois…) et qui en 1793 commanda la cavalerie bleue nantaise. Il se faisait appeler Robineau de Bougon et s’était fixé en Anjou à la suite de son mariage avec Louise de l’Esperonnière de Vritz . Il eut  trois fils. L’aîné , polytechnicien, mourut  en 1797 au retour de Philadelphie, le second, Michel, né à Bouguenais, polytechnicien également, après avoir servi sous Bonaparte se retira au château de la Burelière à La Cornuaille. Rallié à la Monarchie de Juillet, il fut député. Le troisième fils, Joseph s’installa au Pontron et y vivra de 1804 à 1851. Maire du Louroux-Béconnais à partir de 1813 il sera remplacé en 1846, mais en 1848 il reprendra la mairie sur les instances de Grégoire Bordillon  tout nouveau préfet démocrate. Il avait été
comme son frère député sous Louis-Philippe. Devenu propriétaire des deux domaines du Chillon et du Pontron (32 fermes dont La Millanderie, lieu vénéré où se cacha Noël Pinot, le prêtre guillotiné à Angers en 1794) il possède 1300 hectares d’un seul tenant soit la moitié de la vaste commune du Louroux-Béconnais. Adversaire de l’obscurantisme, il soutient les écoles mutuelles face aux curés et à la plupart des châtelains. Il soutient en particulier Burgevin l’instituteur à La Cornuaille.
Les trois frères Robineau ont une sœur, Désirée, jolie, intelligente, riche puisque propriétaire à la mort de son père du Chillon, le château aujourd’hui devenu maison de convalescence de la Sécurité Sociale. Elle épouse en 1805 Sylvestre de la Moricière, futur père du général. Les familles Lamoricière et Robineau sont amies quoique politiquement en opposition. Les Lamoricière avaient une terre à Saint-Philbert-de-Grandlieu, pas très loin de Bougon, mais sont ruinés depuis 1796 : leur domaine a été confisqué et vendu comme bien national, puisque Christophe de la Moricière est  passé à l’armée de Condé, l’armée des émigrés, avec ses deux fils. Sylvestre est l’un d’eux. Il  a été à 16 ans  parmi les chouans aux côtés de Charette et Bourmont. C’est en 1803 seulement qu’il sera rayé de la liste des émigrés.
Le soldat
Comme déjà dit, son fils  Léon nait à Nantes en 1806. Il passe sa jeunesse au Chillon avec comme  précepteur  un prêtre réfractaire puis il prépare, à Nantes, Polytechnique où il entre en 1824.
En 1830 , il part pour Alger : 130 000 hommes sous les ordres de Louis de Bourmont, l’ancien chef chouan et châtelain de Freigné, mèneront  là les combats qu’on imagine. Les détails sont superflus. Dieu le veut rappellera Mgr Freppel inaugurant en 1879 un monument à l’honneur de Lamoricière. Celui-ci apprend autour d’Alger l’arabe parlé dont il remplit des cahiers d’écolier afin de ne pas dépendre des interprètes. Ces cahiers furent montrés en 1987 lors d’une exposition à la Catho.
A cette époque, comme beaucoup de Polytechniciens, Lamoricière n’est pas légitimiste. Le curé du Louroux-Béconnais sera nuancé dans ses propos : « bien qu’alors il négligeait la pratique des devoirs du chrétien, il portait au progrès du catholicisme le plus grand intérêt ».
En 1834 Lamoricière  est chef de bataillon. En 1840, il est général.  La prise de Constantine en 1837 l’a rendu célèbre : la copie d’un tableau d’Horace Vernet célébrant ce fait d’armes est au centre médical du Chillon et aussi les épées, la selle d’Abdel Kader…
En 1846,Lamoricière est député de Saint Calais dans la Sarthe. Après 1847, il jouit d’une belle aisance : il vient d’épouser à Saint Thomas d’Aquin, au cœur du faubourg Saint Germain, Marie d’Auberville qui possède un riche patrimoine.
Le Pontron est alors à demi rasé. La grille principale est aujourd’hui à l’entrée du château de la Burelière, les stalles du chœur sont dans l’église de Blou et l’autel en marbre d’Italie dans la Chapelle de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.
Le conservateur
En 1848, Lamoricière est chargé d’écraser l’insurrection parisienne et devient ministre de la guerre.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               
En 1851, il contribue –sans doute avec Mr de Cumont ou Joseph de Mieule, successifs propriétaire du château de la Prévôterie au Louroux-Béconnais, à la création d’une « école dirigée par les sœurs ».    L ’oncle de Lamoricière, Joseph Robineau, toujours maire et anticlérical s’oppose au général qui se positionne clairement  à droite. Mgr Freppel verra là le retour d’une brebis égarée autrefois, dans le voltairianisme sans doute…
 Opposant à Louis-Napoléon Bonaparte, Lamoricière est arrêté puis passe six ans en exil , en Belgique principalement. En 1857, il revient au Chillon et fait agrandir l’église paroissiale en dépit des obstacles que suscite le conseil municipal. En 1859 il envisage de servir le pape en conflit avec les Piémontais, ces champions de l’unité italienne. Par Trieste il rejoint Ancône où il retrouve de nombreux volontaires dont la moitié porte un nom à particule. Ils sont venus notamment des Mauges pour s’opposer aux Chemises Rouges de Garibaldi. Lamoricière est fait à Rome général en chef des zouaves pontificaux où servent sous lui Pimodan, Quatrebarbes, Charette... Ancône, cerné par les Piémontais, capitule.
En juillet 1865, Lamoricière communie dans l’église du Louroux-Béconnais. Il meurt en septembre,  en Picardie au château de Prouzel, propriété de son épouse. Au dire de Mgr Freppel, légitimiste fervent, un de ses ultimes propos aurait été : « Les principes de 1789 sont la négation du péché originel ». Ce n’est pas impossible. Des funérailles solennelles sont célébrées à Rome. En novembre un service en grand apparat rassemble au Louroux-Béconnais 4 à 5000 personnes dont 9 prélats et 300 prêtres.
En 1879, à Nantes, dans le transept nord de la cathédrale Saint-Pierre, un monument à Lamoricière fut inauguré par Mgr Freppel qui présenta l’aventure d’Ancône comme une croisade. En prolongement, au fronton de l’actuelle Université Catholique de l’Ouest se reconnaissent  les armes des deux familles militantes de la Grandière et de Quatrebarbes et la bibliothèque s’appelle Bibliothèque Lamoricière. Sur la place d’armes de l’école du Génie à Angers, un monument rappelle la prise de Constantine. A Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, près de l’église, Lamoricière est statufié parmi ses zouaves. Dans l’église même, sur un vitrail, Lamoricière présente au Saint-Père son sabre africain, en compagnie d’un Cathelineau et d’un Charette, descendants des plus célèbres chefs chouans. Quelle mémoire !

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