mardi 25 juin 2013

Brève relation d’une longue histoire, les langues régionales

“ La France dispose d’un patrimoine linguistique d’une grande richesse A côté du français, langue nationale, et dont le caractère officiel est inscrit depuis 1992 dans la Constitution, les langues de France sont votre bien commun, elles contribuent à la créativité de notre pays et à  son rayonnement culturel ”. Extrait de la déclaration de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF auprès du Ministère de la culture, crée en 2001).

Les langues de France, langues régionales, minoritaires, parlées sur le territoire français et non représentatives d’un état, les langues de France “ sont à considérer comme des moyens d’invention culturelle, comme les composants d’un ensemble polyphonique ou s’exprime librement les univers imaginaires, intellectuels et affectifs des hommes et des femmes de notre pays ” (déclaration DGLFFLF). Ces mots peuvent paraître surprenants à ceux qui ont, malgré tout, pratiqué ces langues, depuis un siècle. C’est tout de même mieux que
 “ Il est interdit de cracher et parler breton.. ”
Tout cela s’inspire de la Charte européenne des langues régionales ou  minoritaires, charte dite de Budapest et que la France n’a que partiellement signée le 7 mai 1999.
On dénombre plus de 75 langues en métropole et outremer.
En 1999, le recensement révélait qu’un quart des adultes avaient, dans leur enfance pratiqué une autre langue que le français.
Les langues régionales, pour devenir langues de France, doivent être reconnues par la DGLFLF Ainsi, la langue angevine a-t-elle été reconnue comme telle le 18/01/2006 après démarches et constitution du dossier par l’Association des amis du folklore et des parlers d’Anjou (AAFPA). Cette association continue de publier des textes en angevin dans sa revue trimestrielle “ L’Anjou, journan d’nont temps ” et d’éditer des œuvres des auteurs ayant écrit dans cette langue.

Que reproche-t-on aux langues régionales ?
Quels sont les arguments qui retinrent la main du représentant français à Budapest, M. Moscovici, et ne lui permirent de signer que 33 articles sur 98 ?
Les langues régionales menacent l’unicité du peuple français et l’unité nationale ; elles sont contraires aux principes d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi. L’un des opposants avança même les risques d’une “ balkanisation de la France ” (J.P. Chevènement).
Il vaut mieux en rire pour ne pas avoir à en pleurer.
Nous frémissons encore des risques encourus par la République lorsqu’en 2006 nous avons célébré le 60eme anniversaire du décès du poète Marc Lecler en contant quelques uns de ses rimiaux angevins.
Toujours est-il que les souverainistes de tout poil, de gauche comme de droite, appuyés par le Conseil constitutionnel (décision du 16 juin 1999) obtinrent l’incompatibilité de la charte.
Néanmoins la légitimité des langues minoritaires sort renforcée. L’aide octroyée aux organismes de défense des langues régionales, en France, n’a guère été augmentée (participation de l’Europe).
La loi du 4 Août 1994 continue d’être appliquée.
Tant que l’Ecole, l’Université d’abord (formation des maîtres), ne s’impliquera pas davantage (surtout pour les “ petites ” langues), tant que l’accès aux médias audio-visuels ne sera pas acquis, la disparition programmée des langues régionales continuera. Et dans quelques mois, quelques années et pour les plus fortes quelques décennies, les langues disparaîtront et les larmes de crocodile, “ Quel dommage, c’est une civilisation qui disparaît ”pourront se répandre. Qu’en sera -t-il,d’ailleurs du français lui-même, au nom duquel on aura laissé périr les autres langues du pays ?
“ Cette défense crispée d’une unité nationale nullement menacée touche à une forme d’intégrisme républicain ” écrivait Yves Boulie. Treize ans après Budapest, il est difficile d’apercevoir des progrès dans le domaine des langues régionales comme dans celui de la démocratie.

Il ne faut pas désespérer.
En avril 2007, N.Sarkozy avait dit : “ On assiste, en ce moment, à la disparition des dernières générations de locuteurs “ naturels ” et, malheureusement, avec elle à la disparition de la transmission familiale de ces langues. Dans ces conditions, l’enseignement est devenu, depuis quelques années, la voie privilégiée et déterminante de la sauvegarde de notre patrimoine linguistique… Faut-il consolider juridiquement cette dynamique ? Je le pense. ” (Extrait de .Ménard in “ Bretons ” avril 2007).
Combien de postes d’enseignants des langues régionales ont été créés ?.... On en a, sans doute, supprimé. “ La mort d’une langue c’est un pan de l’humanité qui s’écroule ” (Lang 28.5.2001).
Chaque homme, chaque organisme sait qu’un jour, il va mourir, cela ne l’empêche pas, néanmoins, de poursuivre la lutte pour sa vie, sa survie. Ainsi en va-t-il des langues du monde. Chaque année, il en meurt. L’atlas 2009 de l’UNESCO estime à 2500 sur environ 7000 le nombre de langues en péril.
Il ne faut pas encore désespérer. Certains linguistes, certaines associations essaient de maintenir l’existence de langues vernaculaires en France. Certaines d’entre elles sont vigoureuses et parlées par des centaines de milliers, voire davantage, d’individus. D’autres ne sont presque plus pratiquées et survivent encore par l’écriture et l’écoute de conteurs ou de poètes, dans des réunions publiques ou privées. Pour celles-ci, il faut se hâter. Quand il n’y aura plus de locuteurs, après le départ des derniers auditeurs (nés avant 1940 ?), on pourra rédiger l’épitaphe.
En attendant, il ne faut plus avoir honte de parler la langue de son “ pays ”, de sa région. Créons des livres, des CD… en notre langue.
Il ne s’agit pas, en Anjou, de remplacer le français par l’angevin mais seulement de laisser subsister à côté de la langue nationale, une parole angevine.

Paul Graindorge

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